La présence du "Monothéisme" 
dans la religion égyptienne

 

 

   Dans l' Antiquité le terme de dieu était très général :

A partir de la IIIè dynastie royale, Ptah devint le grand dieu-créateur universel. Il était toujours accompagné du dieu Thot de la sagesse devenu le dieu de la vérité qui se manifeste en toutes choses par un esprit de sagesse et une aspiration permanente vers la perfection.

En réalité un dieu reprenait les caractéristiques de l'autre : Atoum-Rê, Ptah et Sokar se fondirent lentement dans le symbole d'un dieu composite et Créateur Unique depuis les origines, auquel s'ajouta au Nouvel Empire une 5è entité : Amon,  le dieu caché de Thèbes.

Cette réforme en douceur de la théologie héliopolitaine se fit avec obéissance et sans violences, car les temples de chaque région évoluèrent doucement vers les nouveaux cultes sans rejeter toutefois leurs anciennes divinités dont certains disparurent au cours des siècles et d'autres perdirent de leur importance.

L'exemple des égyptiens est d'autant plus intéressant si on tient compte qu'à part Cyrus le libérateur de Babylone la plupart des réformes ont abouti à des massacres, tortures et à des répressions terribles !

D'ailleurs les plus grands égyptologues ne s'y sont pas trompés et dès les années 1869 ils ont vu dans la religion égyptienne une tendance plus monothéiste que polythéiste. Il ne faut pas oublier que Champollion est mort à Paris en 1832, laissant à son frère le soin de publier en 1836 et 1841 la grammaire et le dictionnaire d'égyptien qu'il n'avait pas eu le temps d'achever. Mais en vingt années de nombreux spécialistes vinrent en Egypte pour étudier l'Histoire et les messages de l'antiquité.

Emmanuel de Rougé déclarait dans une conférence tenue en 1869 :

L'égyptologue Erik Hornung dans son livre (le Un et le Multiple) cite Eugène Grébaut qui affirmait en 1870 : " dans l'antique religion égyptienne - Le monothéisme est incontestable. "

Ce même auteur poursuit en citant l'affirmation de Jean François Chabas " Les multiples dieux (égyptiens) ne sont qu'UN aspect de l'Unique, du Suprême ... "

En 1885 l'allemand Carl Lepsius s'engage encore plus loin en écrivant dans le premier volume de son oeuvre (intitulée La religion et la mythologie des anciens égyptiens)... " j'exprime la conviction que dès les premiers temps, les égyptiens adoraient le DIEU UNIQUE, anonyme, incompréhensible, Eternel dans sa plus haute pureté..."

Auguste Mariette pensait qu'il existait " un Dieu Unique, Immortel, invisible et caché, réservé aux seuls initiés du sanctuaire... "

Tous ces hommes découvraient un pont entre l'antique religion primitive et leur conception au XIXè siècle sur la religion. Les oeuvres de Dieu sont comme le cycle des saisons, la ronde des planètes, le va et vient des marées, la vie des animaux, UN ensemble de LOIS qui ne possède qu'un seul noyau de gravitation : Dieu autour duquel toute la matière et la vie se rapportent! 

Atoum, Rê, Ptah, Amon, Aton, Neith, Isis et Osiris ne sont que les représentants locaux et temporaires du Grand Dieu Eternel qui régit l'Univers avec ses trois principes : amour, justice et vérité. Toutes ces divinités qui correspondent à des époques et à des lieux différents sont en quelque sorte le reflet de ces trois vertus qui indiquent le chemin qui conduit les âmes vers la vie éternelle.

 

M A â T  :  d é e s s e  d e  l a  J u s t i c e  e t  d e  l a  V é r i t é

 

 
Les déesses Maat et Hathor
 

" Maâ " était d'abord la personnification de la vue matérielle, mais également une image de la vue intérieure où elle se transformait en instrument de la justice et de l'omniscience divine.

Quant à la déesse " M a â t " introduite dès l'Ancien Empire, elle devenait l'oeil de la justice de son père Rê chargée de trouver la vérité au jugement de l'âme des défunts, présidé par Osiris.

Dans les textes des Pyramides le dieu Anubis (un homme à queue et à tête de chacal) emmenait le défunt jusqu'au grand tribunal d'Osiris où se passait la scène dite du jugement des âmes. Selon le célèbre dessin intitulé " la pesée de l'âme ", le coeur du défunt était placé sur le plateau d'une grande balance dont le contrepoids, posé sur le second plateau était  " la plume de Maât, " déesse de la vérité.

" Le dieu Anubis agenouillé au centre du tableau était chargé de vérifier l'exactitude du fonctionnement de la balance, si le coeur l'emportait sur la plume, le monstre Ammit (la dévoreuse) pouvait dévorer le coeur du défunt. Si la plume soutenue par les bonnes actions du défunt était trouvée plus lourde que le coeur, l'âme était justifiée et pouvait désormais prétendre à l'immortalité. "
Ainsi parlait Kegboi chef des collecteurs d'impôts à l'avènement du nouveau pharaon Séthos II (en -1202 période Nouvel Empire), qui voyait en son roi l'image du représentant du dieu tout puissant et éternel qui l'a créé comme on crée son fils :

Tourne vers moi ta face (Khépri) Soleil levant
qui éclaire nos deux royaumes de ta beauté.
Toi, la lumière des hommes,
Tu chasses les ténèbres de l'Egypte
Tu as la même apparence que : " ton père Rê "
qui se lève chaque matin au ciel.

Tes rayons pénètrent jusqu'au fond des cavernes obscures
et aucun endroit n'est privé de ta splendeur

Tu entends les paroles et langages de tous pays,
car tu as ... des millions d'oreilles !

Ton oeil est plus brillant que les étoiles du ciel
Ta vue est meilleure que celle du soleil.

Même ce que prononce celui qui se cache dans la caverne
parvient jusqu'à tes oreilles,
et si l'on fait quelque chose de caché,
ton oeil le verra néanmoins.

O Séthos, toi le Maître de la beauté,
Toi qui crée le souffle (de vie !)
longue vie dans les millions d'années !

Toi seul, vivante image de Rê, peut accéder
avec les plus grands prêtres au Saint des Saints
en tant que berger de l'Egypte et Horus,
fils aîné du Dieu Maître de l' Univers ...

 

Les trois nouvelles grandes notions de spiritualité :

 

Simultanément à l'érection des premières pyramides sont apparues 3 nouvelles valeurs spirituelles :
Akhs - Ka - Ba
 

" Akhs "  : Principes lumineux et immortels que possède chaque être terrestre.
 

" Ka " : Né du souffle divin, assimilable au double immatériel d'un humain, il constitue en quelque sorte sa deuxième personnalité, la voix de sa conscience qui lui montre en permanence le difficile chemin qui mène à la perfection.

Le dieu créateur Knouhm créait sur un tour de potier deux figures identiques : le KHET (la matière composant le corps humain) et le KA qui est le souffle divin, le corps spirituel.

Durant l'Ancien Empire la fonction du ka était importante puisqu'elle était directement liée à la personnalité divine de pharaon (guide du peuple), mais à partir du Nouvel Empire le Ba sera prépondérant en s'étendant à tous les hommes.

Considéré comme un symbole de perfection, le Ka devient le double de Rê, certains dieux peuvent posséder plusieurs kas qui sont directement liés aux qualités essentielles :

Vie, santé Rayonnement, noblesse, intelligence, force créatrice, volonté d'aboutir, perception des sens, stabilité, résistance aux maladies, art de se nourrir et de vieillir...

Les kas (ou kaous au pluriel) sont inséparables de notre vie sur terre et de nos bonnes actions, ils sont le trésor accumulé au ciel pour le jour de notre mort terrestre, d'ailleurs le signe Ka est exprimé par deux bras levés au ciel , mais ce signe n'est-il pas le symbole de la prière et du dialogue avec le ciel ?
 

" Ba " : Energie de déplacement associée à la vie de l'âme que possède chaque individu dès sa naissance. C'est une force invisible capable de vivre indépendamment de son corps et de voyager dans l'autre monde, il peut également revenir sur terre ou près de son corps et s'intégrer aux images de culte.

Le ba est comparable à la faculté qu'ont les dieux de tout voir, d'agir à distance et de prendre (selon leur bon désir) différentes formes d'incarnations, mêmes animales. L'image du Ba était matérialisée par un faucon à tête humaine épris de liberté, souvent représenté en survolant le corps de pharaon comme s'il voulait protéger sa momie.

 

Extraits du TRAITE de SAVOIR-VIVRE :

 

Composé par le gouverneur KAGEMNI qui vécut sous les règnes des rois HOUNI (-2718 à -2694) puis SNéFROU (-2694 à -2665) :

Un chant gracieux ouvre l'arcane de mon éloquence et dilate le lieu de mon intelligence. Comme une coupe d'eau éteint la soif, dis-toi qu'un petit peu tient lieu de beaucoup car méprisables sont le glouton et l'oisif. De même il est répugnant de voir un homme perdre les pensées et n'être plus maître de ses paroles.

Que ta postérité s'instruise de ta discipline, car les voies de dieu sont impénétrables...

 

Les tombeaux à la mémoire des pharaons

Les principales formes de tombes royales anciennes sont :

 

1.  Le MASTABA :
Il consistait en un genre de petite maison carrée de pierres élevées au ras du sol. De ce niveau étaient creusés un à plusieurs puits qui descendaient profondément dans le sol.

Un de ces puits débouchait sur une chambre royale souterraine creusée dans le roc où se trouvait le sarcophage du défunt entouré de son mobilier funéraire. Dès que le corps était descendu, on refermait la herse de protection et on rebouchait tous les puits avec de grosses pierres.

Dans la petite maison carrée se trouvait une porte d'entrée débouchant sur une chapelle contenant une table qui recevait les offrandes. Derrière cette chapelle se trouvait une antichambre sans issue avec un petit escalier en haut duquel on déposait soit la statue, soit une peinture de l'effigie du défunt représentant " son Ka." Les égyptiens imaginaient que le Ka du défunt pouvait entrer et sortir de son tombeau en passant par une porte fictive dessinée sur le mur de l'antichambre.

Ces mastabas servaient également de stèle de souvenir, ainsi le corps d'un roi ou d'une reine pouvaient être enterrés à Saqqarah tandis qu'à Abydos un second mastaba (un cénothaphe ou sorte de tombe simulacre) était érigé à la mémoire du défunt disparu.

 

2.  La PYRAMIDE :

Les égyptiens l'appelaient " la mer " est une sorte d'évolution du mastaba. Situées pour la plupart au sud du Caire et à l'ouest du Nil sur une bande d'environ 50 km, ces monuments grandioses étaient nés de la nouvelle conception religieuse qui se développa à Héliopolis à partir de la IIIè dynastie. Dans l'esprit religieux elles représentaient un immense escalier qui conduisaient le ba (l'âme du dieu pharaon) vers les étoiles où le ka du roi se transformait en étoile.

Tu baigneras dans le firmament étoilé, le peuple du soleil t'appellera (!) car les étoiles impérissables t'ont élevé jusqu'au ciel ... (formule 214)

Si dans la pyramide le Ka du roi se transforme en étoile ordinaire, son akh, aspect transfiguré du corps (khet) entré au tombeau ira retrouver la compagnie des plus grandes étoiles.

O chairs divines, tu atteindras les cieux sous la forme d'Orion et ton akh atteindra Sothis (Sirius)... ( formule 412)

C'est pourquoi dans la pyramide de Chéops deux étroits passages reliaient directement l'extérieur à partir de la chambre royale, l'un indiquait Sirius, l'étoile qui annonçait la crue du Nil et le second pointait directement la constellation d'Orion. Il fallait que l'architecte du projet connaisse bien les positions des étoiles dans le ciel !

 

3.  L'HYPOGEE :

C'est une suite de couloirs et de chambres souterraines creusés sous la terre ou  au flanc des falaises. Comme le mastaba, elle comporte une chambre d'offrandes avec une stèle funéraire ornée de deux yeux par lesquels le mort apercevait la lumière du jour et une porte sans accès par laquelle le mort venait voir ses offrandes.

A partir du Nouvel Empire les tombes royales ne comportent plus leur salle d'offrande, mais elles sont remplacées à Thèbes par un petit temple situé à l'entrée de la Vallée des rois ou de la Vallée des reines, ou celle des nobles et hauts dignitaires.

Et l'on entend encore le chant triste du harpiste se plaindre de voir la mort  rôder autour de lui :

A qui pourrais-je parler aujourd'hui, la mort est là devant moi comme un parfum de myrrhe ou celui d'une fleur de lotus! Comme un chemin pendant la pluie, comme le guerrier qui retrouve sa maison, comme le malade qui est guérit, comme un prisonnier qui retrouve sa liberté après bien des années de captivité ...

 

 

Retour page précédente

 

o - o - o - o - o - o - o