3. Le début de règne du couple royal : Isabelle et Ferdinand

 

La reine Isabelle avait déjà les dents très longues lorsqu'elle évinçât de son chemin la malheureuse Jeanne et renvoya tous les prétendants qui auraient pu lui prendre le pouvoir.

Surprenante détermination pour une jeune femme de vingt trois ans qui n'a encore jamais régné et qui pour cela cautionne la mise en place de deux institutions qui vont créer la terreur en Espagne !

Il fallait bien derrière elle un personnage de la trempe de son directeur de conscience Torquemada qui seul pouvait lui donner l'audace et la détermination pour en arriver à faire plier même l'autorité papale. Mieux elle soumettra et appauvrira les plus grands seigneurs du royaume, ainsi que les très riches Ordres religieux, qui se sont couverts de gloire dans les précédentes croisades en Terre Sainte.

Isabelle était très pieuse, mais il est pratiquement sûr qu'elle n'aurait pas eut la même détermination dans ses actes si elle n'avait pas eu comme confesseur et directeur de conscience, le Prieur abbé Torquemada - futur grand chef de l' Inquisition Espagnole !

Castillos de Simarcas

 Cet antique château
 médiéval fut tranformé  
 par Charles V - (Quint)
 pour y stocker toutes les
 archives générales royales  
 existant à l'époque.

 Il contient 30 millions de
 documents y compris les
 archives des nombreux
 procès de l'Inquisition
 espagnole.

 Agissant en véritable
 Censure, l'Inquisition
 interdisit la lecture de
 nombreuses oeuvres d'
 écrivains célèbres comme
 Jan Kepler, Dante,
 Rabelais, Cervantès et
 même St Thomas More...

D'ailleurs elle s'était bien choisie un époux à sa hauteur, puisque Ferdinand II, roi d'Aragon avait les dents toutes aussi longues que celles de son épouse ! La plupart des contemporains s'accorderont à dire qu'il était: ambitieux, rusé, hypocrite, avare et insatiable de richesses.

Ensembles ils organiseront la chasse et le dépouillement des centaines de milliers de juifs et des musulmans résidents en Espagne afin de les obliger à renier leur foi ou à quitter immédiatement le pays sans pouvoir emporter leurs biens leurs bijoux et leur fortune ou sans même pouvoir vendre leurs terres et leur Maison à un prix correct !

Heureusement que des lettres de change existaient déjà à l'époque, et que les financiers juifs voués à l'exil, purent s'en servirent.

Au fond Isabelle et l'insatiable Ferdinand y trouvèrent chacun leur compte, ainsi que l'Eglise qui après la chasse aux hérétiques et aux sorcières, arrivait enfin à mettre en pratique son désir inassouvi de " totale purification raciale et religieuse ".

D'ailleurs comment expliquer que la jeune reine si pieuse, ait pu supporter ( à part quelques grands signes de croix ), de voir sur chacun de ses passages en Castille des dizaines d'arbres remplis de pendus à moitié décomposés, entrain de se faire dévorer par les vautours et autres busards, sans frémir d'horreur et de dégoût ?

Et que celle qui se disait la servante de Notre Seigneur ne puisse admettre sans malaises la vue de monceaux de cadavres affreusement mutilés amassés sur les places publiques pour servir d'exemple ?

Et pourtant l'Espagne n'avait pas été épargnée par le passage des deux terribles épidémies de peste qui en un demi-siècle avaient emportés dans l'autre monde, plus de 50 % de la population européenne.

 

4.  L'influence de Fraz (frère) Thomas de Torquemada

 

Le vrai coupable était déjà le fameux dominicain : Thomas de TORQUEMADA, inspirateur et futur grand chef de la plus redoutable arme de l'Eglise l'INQUISITION ! Il avait un talent inouï pour persuader ses auditeurs à se transformer en véritable exécutant de la justice divine prônant la soumission aveugle en la sainte Eglise catholique de Rome. Torquemada avait vu grandir Isabelle depuis son plus jeune âge et il était devenu son confesseur particulier...

Comme celle-ci était très assidue à la messe et à la communion quotidienne, elle était quasiment obligée durant ses fréquentes confessions de dévoiler à son directeur de conscience ses pensées et rêves de puissance, qu'il encouragea pour développer sa propre montée au pouvoir dans l'Eglise. Torquemada, l'homme qui pouvait prêcher durant huit à dix heures d'affilées sans faire de pause, avait comprit que son destin était lié à celui de son élève ! Il ne ménagea pas ses directives, les mêmes qui enflammèrent également plus d'un inquisiteur, tous choisis par lui et qui devinrent comme autant de Torquemada-inquisiteurs semant la terreur dans les villes et les campagnes de l'Espagne.

Mieux qu'un premier ministre, l'influence de ce déséquilibré paranoïaque et fanatique, allait bouleverser les affaires de la Castille et plus tard celles de l'Aragon. Ses théories se situant à l'opposé du message évangélique du Christ qui prêchait la tolérance, le respect de l'étranger et l'amour de Dieu et du prochain...

Issu de l'Ordre de St Dominique, Torquemada va accroître très vite les pouvoirs et les injustices de l'Inquisition dont il deviendra le chef suprême et le machiavélique administrateur de cette organisation diabolique que l'Histoire de l'Europe au Moyen Age retiendra comme l'un des meilleurs symboles de l'horreur

D'ailleurs pour mettre de l'ordre dans le pays, Fraz Torquemada conseilla tout simplement à la souveraine de remettre en action la SANTA HERMANDA, une vieille chambre civile, précurseur de l'Inquisition religieuse.

Dès 1476 un an seulement après sa prise de pouvoir en Castille, la jeune reine Isabelle réinstitua par ordonnance royale la Santa Hermanda, cette vieille institution si faible que personne ne la craignait plus depuis longtemps ! Cette nouvelle sorte de police secrète était administrée par deux juges choisis dans chaque ville : les Alcades. Ils étaient tous chargés d'appliquer la loi et de réprimer sévèrement les voleurs., assassins, incendiaires et violeurs... Mais cette organisation  était surtout chargée de prélever les taxes, de chasser les impayés au trésor royal et de poursuivre tous ceux qui oseraient s'élever contre l'autorité royale.

Les GRANDS du Royaume (sorte de députés qui avaient le nom de CORTES) se réunirent en assemblée et votèrent les crédits nécessaires à l'embauche et à l'entretien de quatre escadrons de cinq cent cavaliers chacun. Le haut commandement fut confié au frère du roi Fernando " Alphonse d'Aragon, duc de Villahermosa. "

 

5.  La " Santa  Hermanda "

 

Les soldats de cette police civile avaient reçus en même temps pratiquement " tous pouvoirs " pour pénétrer dans les villes et dans toutes les maisons sans autorisations écrites de perquisition. A toute heure du jour ou de la nuit, des personnes suspectes ou simplement dénoncées anonymement sans la moindre preuve pouvaient être tirées de leur sommeil pour être sans aucune forme de procès sommairement condamnées, mutilées des mains ou des pieds ou battues à mort ou décapitées sans jamais connaître leur motif d'accusation ou les personnes qui les avait dénoncées ! Alors même si le ou la présumée coupable arrivait à se faire juger devant un tribunal, celui-ci était le plus souvent présidé par un évêque ou un haut dignitaire ecclésiastique ce qui changeait rarement la sentence.

On pendait ou on attachait le prévenu à un arbre et on le transperçait de flèches, d'abord pour qu'il serve d'exemple ensuite pour qu'ayant souffert sur la terre, son âme rachetée ne séjourne pas trop longtemps au purgatoire ...

L'Eglise se souciait apparemment plus des âmes et des richesses à saisir que du destin que du destin temporel des malheureux outragés. Evidemment les gardes de cette police civile raflaient au passage tous les biens qui n'iraient pas grandir le trésor royal ou celui de l'Eglise d'Espagne.

La terreur portait ses fruits : bandits et voleurs disparurent comme par enchantement, mais la Santa Hermanda multiplia ses incursions sauvages au point que des guetteurs reçurent pour mission d'annoncer au son du tocsin toute arrivée suspecte de cavaliers à l'entrée des villes, et des villages (même en pleine nuit)

Ainsi écrivait le médecin du Roi " ...il régnait une si grande sévérité parmi les juges qu'on assistait à de véritables boucheries d'hommes, on coupait pieds et mains, épaules et têtes sans pardon..."

Fernando II son époux qui se trouvait alors au royaume d'Aragon, eut rapidement vent des atrocités imaginées par Isabelle et son impitoyable confesseur. Il montra d'abord sa désapprobation. Mais en 1479 Ferdinand devint roi d'Aragon et devant le remarquable succès remporté par la milice royale et surtout les rentrées ponctuelles d'argent récoltées par le fisc, étendit à son tour ces horribles méthodes à la Province d'Aragon en créant la même institution en son pays. Il aimait l'argent par-dessus tout et il en avait un besoin urgent pour financer ses guerres en Italie.

 

6. La soumission des Ordres Religieux et hauts dignitaires

 

Encouragée par ses succès, Isabelle décida de mettre au pas les plus grands dignitaires du royaume. Par l'intermédiaire du cardinal de Mendoza la reine ordonna : de retirer les autorisations à tous ceux qui avaient jusqu'ici droit de frapper leurs monnaies, de nombreuses pensions et donations royales furent révisées ou révoquées, ainsi que les concessions accordées par Henri IV en 1464.

Malgré les critiques l'opération se révéla juteuse, certains dignitaires lésés protestèrent mais personne n'osa affronter de face la toute puissante Hermandad qui avait déjà encaissé plus de trente millions de maravédis pour les caisses royales.

Puis ce fut au tour des grands Ordres chevaleresques qui s'étaient couverts de gloire en Terre Sainte ou contre les maures, d'être étêtés et allégés de leurs richesses :

- l'Ordre de Saint Jacques dont le grand Maître était tout puissant et administrait également : l'Ordre de Montesa. C'est Alonzo de Cardenas qui fut chargé de l'administrer au nom du roi Fernando, sensé remplacer le Grand Maître. Cette opération rapporta à la couronne trois nouveaux millions de maravédis !

- le très riche Ordre de Cavaltra en Andalousie
- le célèbre 0rdre d'Alcantara qui possédait plus de cinquante places fortifiées ...

La reine entendait leur rappeler qu'ils avaient fait voeu de pauvreté, d'obéissance et de chasteté et devaient s'y soumettre. Les grands Maîtres furent déposés et remplacés par un CONSEIL des ORDRES. Même les Cortès douteux furent remplacés par des conseillers soumis.

Certains abbés ou prieur quittèrent le pays, d'autres se firent même musulmans, mais la majorité se soumit. Le Pape Sixte IV qui avait voulu nommer un italien à l'évêché de Cuença, fut pris à parti par Isabelle qui lui reprocha son attitude trop guerrière et son goût des richesses. Elle menaça même de réunir contre lui tous les rois de la chrétienté afin de le faire déposer s'il n'acceptait pas la nomination de son chapelain. Le pape préféra abandonner son projet.