POEMES SUR DIVERS ANIMAUX :

L'âne, le cygne et les oies sauvages

 

 
107.  Pauvr' âne...  (Françis Jammes 1868 - 1938)

 

      1.
      J'aime l'âne si doux 
      Marchant le long des houx  
      Il va près des fossés
      D'un petit pas cassé
      Il porte tout : les pauvres
      Et les sacs remplis d'orge.

 
    2.
    Il réfléchit toujours
    Ses yeux sont en velours
    Car, il est aux yeux de Dieu
    L'âne doux du ciel bleu.
    Il a fait son devoir
    Du matin jusqu'au soir.

 
      3.
      Il reste dans une étable
      Résigné, misérable,
      Ayant bien fatigué
      Ses pauvres petits pieds.
      Il a tant travaillé
      Que ça vous fait pitié.
    4.
    L'âne n'a pas eu d'orge,
    Car le maître est trop pauvre,  
    Il a sucé la corde,
    Puis a dormi dans l'ombre...
    Il est l'âne si doux
    Marchant le long des houx.

(De l'Angélus de l'Aube à l'Angélus du soir)

 

108.  Le cygne  -  (Sully Prudhomme 1839-1907)

 

Sans bruit, sous le miroir des lacs profonds et calmes,
Le cygne chasse l'onde avec ses larges palmes,
Et glisse. Le duvet de ses flancs est pareil
A des neiges d'avril qui croulent au soleil ;

 
Mais ferme et d'un blanc mat, vibrant sous le zéphyr,
Sa grande aile l'entraîne ainsi qu'un lent navire.
Il dresse son beau col au-dessus des roseaux,
Le plonge, le promène allongé sur les eaux.
Le courbe gracieux comme un profil d'acanthe,
Il cache son bec noir dans sa gorge éclatante.

 
Tantôt le long des pins, séjour d'ombre et de paix,
Il serpente et laissant les herbages épais
Traîner derrière lui comme une chevelure,
Il va d'une tardive et languissante allure.

 
Tantôt il pousse au large et loin du bois obscur,
Superbe, gouvernant du côté de l'azur,
Il choisit pour fêter sa blancheur qu'il admire,
La place éblouissante où le soleil se mire.

 
Puis quand les bords de l'eau ne se distinguent plus,
A l'heure où toute forme est un spectre confus,
L'oiseau dans le lac sombre où sous lui se reflète
La splendeur d'une nuit lactée et violette,
Comme un vase d'argent parmi les diamants,
Dort, la tête sous l'aile, entre deux firmaments.

(Les solitudes)

 

Le cygne

 

109.  Les oies sauvages  (Guy de Maupassant)

 

Tout est muet, l'oiseau ne jette plus ses cris.
La morne plaine est blanche au loin sous le ciel gris.
Seuls, les grands corbeaux noirs, qui vont cherchant
Fouillent du bec la neige et tachent sa pâleur.
Voilà qu'à l'horizon s'élève une clameur !
Elle approche, elle vient : c'est la tribu des oies.

  
 
 
leurs proies,
 
 
 
 
Ainsi qu'un trait lancé, toutes le cou tendu,
Allant toujours plus vite en leur vol éperdu,
Passent, fouettant le vent de leurs ailes sifflantes.
Le guide qui conduit ces pèlerins des airs
Déjà les océans, les bois et les déserts,
Comme pour exciter leur allure trop lente,

 

   
  Une oie sauvage

De moment en moment jette son cri perçant.
Comme un double ruban la caravane ondoie,
Bruit étrangement et par le ciel déploie
Son grand triangle ailé qui va s'élargissant.

 
Mais leurs frères captifs répandus dans la plaine,
Engourdis par le froid, cheminent gravement.
Un enfant en haillons en sifflant les promène,
Comme de lourds vaisseaux balancés lentement,

 
Ils entendent le cri de la tribu qui passe,
Ils érigent leur tête ; et regardant s'enfuir
Les libres voyageurs au travers de l'espace
Les captifs tout à coup se lèvent pour partir ;

 
Ils agitent en vain leurs ailes impuissantes,
Et dressés sur leurs pieds, sentent confusément,
A cet appel errant, se lever grandissantes
La liberté première au fond du coeur dormant,

 
La fièvre de l'espace et des tièdes rivages.
Dans les champs pleins de neige, ils courent effarés
Et jetant par le ciel des cris désespérés,
Ils répondront longtemps à leurs frères sauvages.

(Des Vers)

 

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